Traverser le ballet
Le jeudi 6 novembre 2025
Entretien avec Alexandra Damiani, directrice artistique des Ballets Jazz Montréal pour le programme Dance Me – Musique de Leonard Cohen.
Leonard Cohen a participé à la sélection des morceaux pour Dance Me. Comment s’est déroulée cette collaboration ?
L’implication directe de Leonard Cohen dans l’élaboration de la sélection musicale de Dance Me aux côtés de Louis Robitaille, alors concepteur et directeur artistique de la compagnie, fut extraordinaire. Sa musique a une dimension intemporelle et profondément humaine. Ses mots portent une universalité qui touche à l’amour, à la perte, à la foi, au doute et à la résilience. Leonard Cohen s’est montré d’une grande générosité et d’une précision remarquable dans le choix des chansons, veillant à ce qu’elles reflètent à la fois son univers artistique et le parcours émotionnel de l’œuvre.
Dance Me est construite autour des grandes étapes de la vie, associées aux saisons. Comment cette idée structure-t-elle le ballet et de quelle manière se traduit-elle sur scène?
La métaphore des saisons a offert une architecture naturelle à Dance Me. Le printemps évoque les débuts, la jeunesse, la découverte. L’été incarne la passion, l’intensité, la plénitude de l’expérience. L’automne reflète la maturité, la réflexion et le lâcher-prise. L’hiver amène les fins, l’introspection et la beauté du silence. Et bien sûr, il y a un clin d’œil à la cinquième saison que nous aimons particulièrement à Montréal, l’été indien. Cette structure cyclique permet au public de traverser le ballet comme on traverse la vie : visuellement, émotionnellement et physiquement. Sur scène, cela se traduit par des changements d’énergie, de couleurs, de rythmes et de vocabulaire chorégraphique qui reflètent le passage du temps.
Trois chorégraphes ont contribué à la création de Dance Me. Comment leurs écritures respectives dialoguent-elles ?
La rencontre de trois voix chorégraphiques distinctes, Andonis Foniadakis, Annabelle López Ochoa et Ihsan Rustem, s’est imposée comme essentielle pour refléter la richesse de l’univers de Leonard Cohen. Chacun apporte un langage physique singulier : Andonis avec son dynamisme explosif et sa sensualité, Annabelle avec sa profondeur narrative et sa théâtralité, Ihsan avec sa fluidité et sa sensibilité nuancée. Ce qui rend Dance Me si captivant, c’est la manière dont ces écritures se croisent, se répondent et se contrastent, à l’image des multiples facettes de l’œuvre de Leonard Cohen. Ensemble, elles composent une mosaïque qui honore son héritage tout en s’inscrivant pleinement dans la création contemporaine. Le metteur en scène montréalais Eric Jean a su relier ces univers avec justesse, offrant un spectacle à la fois cohérent, poétique et empreint d’humilité face au génie de Cohen.
Propos recueillis par Solène Souriau • septembre 2025

Anecdote
« Ce que nous aimons, nous, puisque nous sommes une compagnie qui danse véritablement […], c’est jazzer le ballet. Des gens doutaient au départ qu’on puisse danser sur du Leonard Cohen. Monsieur Cohen, non ! »
– Louis Robitaille