Un vrai coup de cœur
Le lundi 8 décembre 2025
Entretien avec Gwen Aduh, metteur en scène des Derniers instants de Madame Raymonde.
Comment avez-vous connu le personnage de Madame Raymonde ?
Madame Raymonde est un personnage créé par Denis D’Arcangelo il y a plus de trente ans, une sorte d’alter ego artistique qu’il a fait vivre dans plusieurs spectacles. Je l’ai découvert en tant que spectateur il y a une vingtaine d’années, et j’avais eu un vrai coup de cœur. Nous avons d’abord collaboré sur d’autres projets avant de coécrire le livret de cette pièce, qui le met en scène avec les musiciens de l’Opéra Normandie Rouen.
Quel est le sujet du spectacle ?
Nous avons imaginé que le personnage de Madame Raymonde avait mené une double vie et qu’elle se révélait être une tueuse en série. Elle aurait passé sa carrière d’artiste à éliminer, de manière pathologique, un spectateur après chaque spectacle, de ville en ville, au fil des tournées. Arrêtée, jugée, elle se retrouve en prison et est condamnée à mort. Le public assiste à ses dernières heures avant l’exécution. Dans cette perspective, le choix de la Chapelle Corneille n’est pas anodin : sans la condamnation du Christ, il n’y aurait pas de religion — et sans religion, pas de chapelle. Le lieu en lui-même résonne donc symboliquement avec le sujet.
Pourquoi avoir choisi de parler de la mort ?
Le spectacle aborde la peine de mort mais avec décalage et second degré. Mon parcours artistique a toujours été nourri par tout ce qui est un peu à la marge et hors norme. S’emparer de ce sujet avec humour me semble essentiel aujourd’hui : c’est encore un sujet sur lequel il faut parler, réfléchir, se battre — surtout quand certains affirment qu’il serait bon qu’elle revienne. J’ai aussi une vraie passion pour le morbide et les faits divers. Le spectacle s’inscrit ainsi dans une esthétique un peu macabre et décalée, proche des cabinets de curiosités.
Quels sont vos choix musicaux ?
Nos choix musicaux restent fidèles au répertoire de Madame Raymonde : éclectiques de styles et d’époque ; des chansons réalistes, des chanteuses oubliées, du music-hall plus ancien et du plus récent, de Georgius à Arno… Ces morceaux ont été arrangés par des musiciens classiques. Ce que j’aime, ce sont les choses iconoclastes : on passe de la chanson française à l’opéra, à la musique classique, mais aussi à la comédie musicale. Des poèmes et textes très variés viendront lier les morceaux : on retrouvera Jacques Prévert, Victor Hugo ou encore Louis Aragon.
Propos recueillis par Solène Souriau • octobre 2025
Le saviez-vous ?
Ce n’est pas la première fois que l’Opéra Orchestre Normandie Rouen produit un spectacle avec Madame Raymonde. Le précédent récital Madame Raymonde et son grand orchestre (2021), était une coproduction de l’Opéra et de Philippe Maillard Productions. Il avait été présenté en avant-première sur la scène du Théâtre des Arts, avant d’être repris à Paris.