Une intériorité émotionnelle
Le mercredi 30 avril 2025

Entretien avec Julien Chauvin, chef d’orchestre du concert Mozart, Devienne
La Sérénade n° 7 dite « Haffner » fait la part belle au violon, avec des moments très virtuoses. Quels autres défis représente-t-elle ?
La Sérénade « Haffner » est avant tout une œuvre de fête, composée pour le mariage de la fille d’amis de la famille Mozart. Elle enchaîne des mouvements variés et contrastés et intègre un mini-concerto pour violon que Mozart a certainement interprété lui-même. Elle déploie un lyrisme et un charme absolus, tout en se révélant redoutable dans son rondeau, qui entraîne le violon à travers tous les registres de l’instrument.
François Devienne est surnommé le « Mozart français ». À votre avis, pourquoi ?
Mozart est un compositeur qui avait toutes les qualités : il composait des mélodies dont toute personne, même non mélomane, pouvait se souvenir. Il maniait l’écriture et le contrepoint à un niveau extrêmement poussé. Il avait une psychologie des personnages dans les opéras qui révélait une sensibilité exacerbée et savait combiner les émotions les plus variées au cours d’une même œuvre. Quand on compare Devienne à Mozart, c’est sur le plan de la mélodie qu’on le fait. Ce dernier avait un sens particulièrement affûté de la construction d’une mélodie, qui « coulait » naturellement, et ses mélodies ont un charme avéré.
Quels liens peut-on établir entre la Symphonie n° 39 de Mozart et la Symphonie concertante n° 4 de Devienne?
Ces deux œuvres sont d’un genre assez éloigné : l’une est d’écriture purement concertante, l’autre proprement symphonique. Mais Mozart a su s’inspirer de la mode très française de la symphonie concertante, qui met en valeur non pas « un » mais plusieurs solistes. Il en fera des chefs-d’œuvre pour violon-alto, instruments à vent ou deux violons. Les Français tireront néanmoins plus les pièces vers la virtuosité et l’étalage des possibilités instrumentales que Mozart, qui ne se départ jamais d’une intériorité émotionnelle.
François Devienne était à la fois flûtiste et bassoniste. Est-ce que cela s’entend dans sa symphonie ?
Devienne a écrit cette symphonie pour ses collègues et amis avec lesquels il partageait les scènes parisiennes des années 1 780. Sa parfaite connaissance des instruments à vent s’entend immédiatement et il sait en faire ressortir tous les attraits sans jamais être redondant. Il savait mettre en valeur des instruments qui étaient en pleine mutation et qui allaient s’imposer dans leur rôle de soliste (au sein de l’orchestre ou bien en dehors) au cours des XIXe et XXe siècles.
Propos recueillis par Solène Souriau • avril 2025
Le saviez-vous ?
Surnommé « le Mozart français », François Devienne a un faible pour les bois à l’instar de son homologue autrichien fasciné par la clarinette : au sein de son foisonnant catalogue, on notera entre autres sept sonates pour flûte et clavecin, quarante-huit sonates pour flûte et basse continue, dix-huit concertos pour flûte et quatre concertos pour basson.